Ferme-école écologique dans le Kongo Central

Pour une amélioration de la santé et des résultats scolaires ainsi qu’une éducation à la nature et aux enjeux de société.
Le projet de la ferme école écologique est porté par l’un des membres de la coalition IDAY-RDC, le « Mouvement d’Appui pour la Promotion de la Famille », MAPROFAM, qui a son siège social à Mbanza-Ngungu dans la province du Kongo Central. L’objet social de MAPROFAM est l’appui et l’encadrement des organisations et familles paysannes avec comme domaines d’intervention l’éducation, l’agriculture, la santé, le développement communautaire, l’énergie et l’environnement.

Contexte du projet

Le quartier Loma est composé en grande partie d’une population fuyant les conditions socio-économiques très difficiles du centre-ville et des villages avoisinants. On trouve en moyenne 7 personnes par foyer dans un quartier de plus de 3.500 ménages, soit près de 24.500 habitants. La famille est composée en moyenne de 2 adultes, 2 jeunes/ados entre 13 et 21 ans et 3 enfants de 1 à 12 ans.
Le quartier dispose d’une école primaire et secondaire publique, un centre de santé et un petit espace où les paysans étalent les récoltes pour la vente. La presque totalité du quartier n’est pas desservie par l’électricité et l’eau courante. Seul 1 enfant sur 3 a accès à l’école, faute d’infrastructures scolaires suffisantes à proximité. Face à cette situation et se référant  à la vision du Gouvernement en matière d’éducation (Loi-Cadre N°14/004 de l’enseignement national du 11/02/2014 et SSEF/2016-2025), MAPROFAM a initié une école participative et communautaire dénommée AMIDA (Actions Multi-Interventions de Développements Amicaux).
En tant qu’école communautaire et participative, elle est construite au centre du quartier et réunit parents, riverains, jeunes et autres acteurs à réfléchir autour de thèmes relatifs à l’éducation, à la santé, à l’environnement, au développement communautaire. « Elle est l’arbre au milieu du village ». L’école met à la disposition de tous les groupes et acteurs actifs du quartier et des villages environnants ses bâtiments, son terrain, son personnel enseignant pour accompagner ces acteurs et groupes et fédérer enfin les idées et initiatives. Elle est la plus importante après l’école publique Athénée, mais la plus « innovante » du quartier. 20% des écoliers du CS AMIDA SCHOOL viennent des contrées voisines et établissent des résidences temporaires dans le quartier pendant toute la période de l’année scolaire.

Le concept de ferme-école écologique

Les actions mises en place décrites ci-dessus ont permis de créer le complexe scolaire.  Aujourd’hui, il fait face à de nouveaux défis pour son développement.

Le projet dont il est question ici veut mettre l’accent sur la formation tant pédagogique que pratique des étudiants et jeunes pour une agriculture ciblée et durable. Il est question dans ce projet d’apprendre et expérimenter les pratiques écologiques agropastorales, les développer et les divulguer.

Toutes les activités qui seront organisées auront trait à la revalorisation de l’enseignement et métiers techniques et pratiques, à la valorisation de l’élevage et de l’agriculture familiale, à la pratique des cultures maraîchères ou vivrières écologiques.

La production de la ferme servira à alimenter la cantine scolaire. Les surplus de cette activité génératrice de revenu permettront de subvenir à certaines dépenses financières relatives au fonctionnement de l’école. Les apprentissages permettront aux jeunes d’acquérir des compétences professionnelles. Ils apprennent les bons gestes environnementaux à l’école et sensibilisent et interpellent les parents et leurs contemporains.

La ferme école est utilisée comme un outil pédagogique et une école de vie : les professeurs seront formés à une utilisation pédagogique optimale des jardins scolaires en commençant par délocaliser la classe hors des murs. Les professeurs intègrent des exercices pratiques à appliquer dans le jardin scolaire et ferme école en lien avec les matières de mathématique, économie, écologie et biologie, ainsi même que les langues (calcul de surface, achat et vente de produits ; connaissant les dimensions de la parcelle, combien de piments pourra-t-on récolter ? Et d’ailleurs, comment dit-on piment dans divers dialectes… ? ). Cette ferme école ne sera pas seulement une parcelle productive, mais un laboratoire de vie.  Nutrition, santé, environnement, la palette des enseignements est vaste.

Le jardin scolaire permet aussi d’initier les élèves à l’usage d’autres plantes, par exemple : la poudre du baobab, riche en fer, l’Artemisia annua contre le paludisme, la citronnelle, le moringa, le curcuma, le gingembre, le « nkasi-kindongo »… Il est estimé que 70% des soins médicaux en Afrique sont prodigués sous forme de la médecine communautaire, selon des enseignements traditionnels. Or ces connaissances locales tendent à disparaitre par la commercialisation de médicaments importés, qui restent souvent inaccessibles pour les populations vulnérables. IDAY-International a édité un livre intitulé « Yanou a le palu » réalisé par un auteur-dessinateur camerounais dont le but est de sensibiliser les enfants et leur famille à l’utilisation de l’Artemisia annua.  Le livre sera utilisé en classe dans le cadre de ce projet.

Étant donné que les activités purement agricoles sont souvent saisonnières et demandent en principe beaucoup d’espaces pour être développées, celles-ci seront couplées à des activités d’élevage ciblées. Après multiplication, certaines bêtes seront données en métayage aux familles des étudiants pour un élevage domestique à la portée de tous. C’est le cas de l’élevage de volailles, cochons d’inde, lapins, grillons… Ce qui va soutenir financièrement ces familles, surtout les plus démunies, pour subvenir aux besoins primaires de leurs enfants. La ferme école ou familiale comblera ce temps d’attente de la récolte agricole, appelée temps de soudure pendant laquelle la population vit dans une véritable pauvreté.

Au-delà de ce que les écoliers rapporteront à la maison comme connaissances et informations sur ces activités dans leurs familles respectives, MAPROFAM accompagnera ces familles en techniques agropastorales écologiques appropriées afin d’accroître leur production et productivité pour diversifier ainsi leurs sources de revenu.

La ferme école et le jardin scolaire sont aussi le lieu d’apprentissage du respect de l’environnement naturel par sa découverte immédiate : respect des cycles naturels, bienfaits des engrais naturels (versus pesticides et produits chimiques),… C’est le compost et les asticots qui sont utilisés et non les produits chimiques. Tous les traitements sont effectués avec des produits d’origine biologique. Les terres sont améliorées avec des fumures organiques, les excréments des animaux servent de fumier pour enrichir la terre et aussi pour nourrir les poissons… Non seulement le modèle ferme école écologique bannit les intrants chimiques mais intègre plus largement des pratiques de préservation des ressources naturelles (terre, eau, semences…), de recyclage, de revalorisation de l’art et de la culture. C’est le point de départ d’une démarche globale de transformation de la société (…), dans un contexte où celle-ci cherche à reconquérir son patrimoine naturel et culturel. »[1]

En plus du fait que la distribution de repas à l’école augmente la fréquentation des élèves et influence donc positivement le niveau d’éducation, la ferme école et le jardin scolaire deviennent une part essentielle de la vie, jetant des ponts entre l’école et la communauté environnante, par des échanges d’expériences et de connaissances. De retour à la maison, les élèves transmettent au jardin ou ferme familiale les principes de l’agriculture/élevage écologique : l’attention à la nature, à la santé des personnes, aux générations futures, aux interdépendances entre l’air, l’eau, les sols, les semences.[2] Les enfants apprennent à cultiver et récolter les produits saisonniers. Cela favorise le dynamisme de toute leur communauté. Ces ponts permettent d’améliorer l’acceptabilité de l’école auprès des parents et d’encourager l’enrôlement des enfants à l’école. Les élèves reçoivent à l’école les bases sur lesquelles ils vont pouvoir construire l’espoir d’un avenir meilleur (profession rentable, santé, acteurs de changement au niveau de thématiques plus globales liées à l’environnement). La dynamique profite à l’ensemble de la communauté.

Les témoignages des élèves, des enseignants, des parents sont tout à fait encourageants. Notamment venant des jeunes, qui envisagent souvent d’aller en ville pour trouver du travail, et considèrent que la terre, c’est une activité pour les « vieux ». Ce projet contribue à changer cette image, en montrant que l’agriculture ou l’élevage n’est pas un travail dégradant : c’est une part essentielle de la vie, qui mérite que l’on s’implique dans les communautés rurales.

Activités réalisées à ce jour (février 2021)

Potager et cantine scolaire
  • Clôture du potager : notre objectif est de réaliser une ceinture verte à partir d’arbres qui poussent facilement et qui résistent et à la saison sèche et aux pluies diluviennes. Il s’agit donc d’une clôture écologique renforcée au départ par des fils barbelés.
  • Activités potagères : celles-ci sont en cours : ciboulettes, tomates, amarantes, choux ont été plantés.
Sensibilisation et formation à la culture de l’Artemisia annua
La formation a été assurée par 3 formateurs de l’ONG PIF/PGAPF faisant partie de la Maison Artemisia avec une participation très active de 25 enseignants et 25 étudiants. La formation a eu lieu par sou-groupe de 10 personnes. Après une journée de théorie sur la plante, ses origines, ses vertus et facultés médicinales préventives et curatives, sa culture…, deux autres journées ont été consacrées à la pratique : préparation de semis, préparation de sol, préparation de pépinière, semis et transplantation de quelques plants venus de Boma avec les formateurs.
Plaidoyer
  • Lors du lancement officiel du projet le 05 novembre 2020, les autorités provinciales et locales ont été présentes pour être non seulement informées de l’existence du projet, mais également pour l’accompagner et le dupliquer par la suite en cas de succès de celui-ci. Parmi les autorités présentes, il y avait Madame la Députée Provinciale du Kongo Central Rachel Vameso, le Commissaire de District de Mbanza-Ngungu, le Maire de la ville de Mbanza-Ngungu, le Chef de Secteur de Boko (la ville de Mbanza-Ngungu se trouve dans l’entité territoriale du secteur de Boko) et le Chef du quartier Athénée/Loma II.
  • Un agronome du territoire, un Ingénieur agronome attaché au secteur de Boko et un chef de Service du Bureau du Ministère provincial du Kongo Central ont été délégués par leurs chefs respectifs pour participer aux trois jours de formation sur la culture et l’utilisation de l’Artemisia annua.
Les prochaines étapes seront la construction de la porcherie et du poulailler.
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