20ème anniversaire de la mort de Yaguine et Fodé

C’était le mardi 30 juillet 1999. Yaguine, 14 ans, et Fodé, 15 ans, ont disparu. Personne ne sait où ils sont. Chez la grand mère de Yaguine ? Chez un ami de Fodé ?
Le papa de Yaguine trouve une lettre dans la chambre de Yaguine : “Papa, ne t’inquiète pas. Je vais chez ma maman à Paris…”. Ensuite, il trouve le brouillon de la lettre que l’on retrouvera le 2 août sur le corps des 2 jeunes retrouvés morts de froid dans le train d’un atterrissage d’un avion de la Sabena. Cette lettre était adressée aux “membres et responsables d’Europe”, pour leur crier “au secours” et les implorer de “faire une grande organisation efficace pour l’Afrique pour nous permettre de progresser”.

>> Relire le message de Yaguine et Fodé

En Guinée, différents évènements ont été organisés

> Recueillement sur les tombes de Yaguine & Fodé

Lettre lue par un membre d’Amitié Sans Frontières, délégation venue de Belgique :
« Cher Yaguine, cher Fodé, nous sommes bouleversés par tout ce que nous voyons ici, et nous comprenons plus que jamais pourquoi vous êtes partis. Nous avons vu que votre lettre et votre message sont toujours d’actualité, qu’ils sont connus dans le monde entier. Vous n’êtes pas morts. Vous vivez dans les coeurs et les pensées ici…
Yaguine et Fodé, nous sommes allés dans votre école. Et c’est là que nous avons retrouvé ton papa, Yaguine, et ta maman et ton frère Sekou, Fodé. C’était un moment très émouvant. Il y avait plus de 300 élèves de votre école. Ces jeunes ont compris votre message et ils ne vont pas abandonner.
Ils sont préoccupés que tellement de jeunes veulent partir vers l’Europe et risquent de subir le même sort que vous. Ils savent qu’il y a tellement de jeunes qui sont morts dans la mer, parce que partout les frontières d’Europe se ferment…
Ils ont exprimé leurs revendications, leurs exigences. Ils veulent se battre pour des emplois, pour des écoles, pour des centres de santé. Ils savent que le pays est riche de matières premières, comme le bauxite, de l’or, mais que cette richesse n’est pas répartie. Elle est confisquée par une infime minorité et ne profite pas au peuple guinéen.
Ils critiquent le manque flagrant de justice et de bonne gouvernance. Et ils veulent changer cela.
C’est cela aussi que nous avons ressenti pendant notre voyage vers Frija et Boké, vers les mines. Les jeunes bougent, se révoltent.
20 ans après votre sacrifice, c’est devenu notre lutte.
Ce soir, nous quittons votre pays bouleversés, mais avec de l’espoir. L’espoir qu’a semé votre lettre. Nous vous promettons que nous continuerons à soutenir et accueillir d’une manière humaine les réfugiés chez nous, à combattre le racisme chez nous, à se battre contre l’exploitation de l’Afrique, à s’unifier pour construire un autre système, un autre monde, juste.
C’est votre lutte, c’est la lutte de la jeunesse actuelle. 20 ans après votre sacrifice, c’est devenu notre lutte »

> Une conférence au collège Yaguine et Fodé à Conakry
“Jeunesse et Danger de l’immigration clandestine”
Cette conférence était animée en tandem par un cadre du Ministère de la Jeunesse et de l’Emploi Jeune et un membre d’Amitié Sans Frontières.

> Une conférence à la salle des conférences de la Mairie de Matoto
“Conditions des femmes victimes de l’immigration clandestine”
Cette conférence était également animée par un membre d’Amitié Sans Frontières et co-animée par un cadre du Ministère de l’Action Sociale et de la Promotion Féminine et de l’Enfance.

Ces deux conférences ont été marquées par la prestation de la troupe Zôyâ-théâtre de la pièce “La lettre éclaire de Yaguine et Fodé”, une adaptation de trois pièces de théâtre déjà connues : “L’avion va bientôt décoller” de Akim Bah, “Passe, pas l’homme” de Faustin Keoua Leturmy et “Migrants” de Sonia Ristic. La troupe a fait une brillante prestation qui a été fortement appréciée par le public présent. Les femmes ayant perdu leurs enfants dans les périples de l’immigration clandestine étaient toutes en larmes. Elles ont reconnu leurs enfants dans le jeu d’acteur des comédiens.

En Belgique, des évènements ont eu lieu également

Une conférence a été organisée à la paroisse rue des Pierres 44 à Bruxelles suivie de la distribution traditionnelle de roses blanches avec le message de Yaguine & Fodé en trois langues dans les rues de Bruxelles.
Thème de la conférence :
“Aujourd’hui, rien n’a changé”.
Vingt ans plus tard, le réseau associatif IDAY lancé notamment en réaction à cette tragédie, ainsi qu’Amitiés sans frontières, le Conseil des Communautés Africaines en Europe et en Belgique (CCAEB) et le Fonds Message de Yaguine & Fodé auprès de la Fondation Roi Baudouin, ont tenu à rappeler la souffrance et les espoirs de ces deux adolescents en quête d’une vie meilleure. “Aujourd’hui, rien n’a changé. La situation a même empiré. La Méditerranée est devenue un cimetière pour ceux qui fuient leur pays. Mais nous continuerons à manifester pour dire stop à la forteresse Europe et stop à la criminalisation des migrants et de ceux qui les aident” a clamé Hélène Madinda, la présidente du CCAEB, avant la lecture de la lettre de Yaguine et Fodé.

Le public a ensuite écouté Joseph Mbéka et sa chorale interpréter “Les ailes brisées”, une chanson qu’il a composée en la mémoire de ceux dont l’histoire avait ému partout dans le monde.

Riet Dhont d’Amitiés sans frontières a poursuivi avec le récit de son séjour en Guinée il y a quelques jours, auprès de la famille des deux victimes et notamment dans l’école qui porte désormais leurs noms. Madame Riet Dhont est la dame qui a évité que le 2 août 1999, les corps de Yaguine & Fodé soient enterrés subrepticement en Belgique, qui a trouvé le message, a averti la mère de Yaguine qui habitait Paris, et a averti le Consul de Guinée qui a ensuite fait une déclaration remarquée à la radio (reprise dans une émission de la RTBF le 1 août 2019).

“La migration est inhérente à l’humanité”
Le président honoraire d’IDAY-International et co-fondateur du Fonds Message de Yaguine & Fodé s’est ému de l’actualité de la lettre laissée par Yaguine et Fodé. “Ce message doit continuer à vivre car il nous interpelle par rapport à deux indifférences”, estime Jean-Jacques Schul qui souligne notre indifférence envers ces jeunes qui risquent leur vie pour migrer. “La migration est inhérente à l’humanité. En Europe, nous sommes particulièrement responsables car nous n’avons pas l’excuse de ne pas savoir. De plus, nous avons une dette immense envers l’Afrique, nos anciennes colonies. Il y a ensuite notre indifférence par rapport à nos politiques de coopération au développement. Depuis 50 ans, on donne de l’aide et l’écart avec nos pays ne se résorbe pas. Pour être efficace, l’aide doit rapprocher la société civile de ses gouvernements et entreprises. Or la plupart des pays européens continuent à suivre une politique néo-coloniale, en finançant leurs sociétés, leurs ONG”, a déploré M. Schul.

Sollicité pour clôturer la commémoration, un responsable de l’ambassade de Guinée a remercié les organisateurs et appelé tant l’Europe que les pays africains à “prendre leurs responsabilités” face à l’histoire dramatique de Yaguine et Fodé.

Un match de football en collaboration avec un groupe de la diaspora guinéenne de la place Bara à Bruxelles a également été organisé en mémoire aux 2 jeunes.

Les médias ont répondu très favorablement aux sollicitations. La RTBF a émis deux fois le 1 août sur la portée du message de Yaguine & Fodé et la problématique de l’émigration africaine. L’annonce des activités du 2 août a été également diffusée lors des nouvelles de la principale station radio. La télévision de RTL et de la RTBF ont rapporté les principales interventions de la conférence lors des nouvelles du soir. La presse a également rapporté l’événement.

Retrouvez la nouvelle sur RTBF.

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